6 min de lecture

Dossier 40881 - L'assassinat de John Lennon

Dans cet épisode de Rock'N Roll Justice, Fabrice Epstein nous plonge dans l'histoire tragique de l'assassinat de John Lennon. À travers une analyse captivante, il explore les événements entourant ce drame, les motivations complexes de Mark David Chapman, et les théories qui ont émergé depuis.

Dossier 40881 - L'assassinat de John Lennon

Crédit : RTL2

Dossier 40881 - L'assassinat de John Lennon

00:09:34

Imaginez un homme qui souffre, qui s'interroge sur le sens de l'existence et qui, au fil du temps et de chansons imparables, devient le porte-voix d'une génération. L'amplificateur d'une forme de vérité, par-delà bien et mal. Imaginez un pacifiste déterminé qui proteste en s'allongeant aux côtés d'une artiste d'avant-garde américano-japonaise. Imaginez John Winston Ono Lennon, parce que c'est comme ça qu'il s'appelle depuis qu'il a épousé Yoko. Souvenez-vous, son visage d'ado éternel et facétieux, ses petites lunettes rondes cerclées d'or, ses hauts, ses bas, son exil new-yorkais, ses lost weekends. Imaginez Lennon en cette fin des 70's qui, après 5 ans de silence, reprend le chemin du studio et de la célébrité obscène. Et puis un jour, tout s'arrête.

8 décembre 1980, New York City. Le Dakota Building est un immeuble emblématique de Manhattan qui jouxte Central Park. Il est 22h50. John et Yoko rentrent chez eux après une session d'enregistrement au Record Plan Studios. L'air est humide, la ville vivante. C'est presque banal. Un père accompagné de sa femme et qui veut coucher son enfant. Quelques heures plus tôt, devant chez lui, un fan lui a demandé un autographe sur le fraîchement paru Double Fantasy, le disque du grand retour de John. Cet homme est un garçon bouffi de 25 ans, qui porte des lunettes fumées et une écharpe. Il a fait le déplacement depuis Honolulu, soit près de 10 000 kilomètres. Il trimballe avec lui un profond mal-être et dans ses poches, un revolver. Ainsi qu'un livre, de poche d'ailleurs, L'attrape-cœur de J.D. Salinger. l'autographe recueillie est celui d'une mort annoncée. Car si Chapman s'est procuré quelques semaines auparavant un revolver chargé de balles type dum-dum, c'est-à-dire des projectiles militaires, c'est parce qu'il a la ferme intention d'abattre John Lennon. 

Accomplissement d'un destin, volonté de devenir célèbre ou détestation de son idole, depuis qu'il a prétendu que les Beatles étaient plus populaires que Jésus, le diagnostic, ce sera pour après. Ici, lorsque John et Yoko franchissent l'entrée du Dakota, ce qui est très inhabituel parce qu'en temps normal, le chauffeur les dépose dans la cour, Chapman les suit, sort son arme et tire cinq fois. Quatre balles atteignent Lennon dans le dos. Chapman est désarmé par le portier, mais l'assassin ne fuit pas. Il reste, sur place, son livre à la main. Les hurlements de Yoko ont transpercé la nuit pâle de Manhattan. Le portier appelle les secours. En un tournemain, les ambulanciers se pressent. John est transporté au Roosevelt Hospital. Le docteur Lynn constate qu'il n'a plus de poux. Il ouvre le thorax, prend son cœur dans les mains, mais le patient s'est vidé des trois quarts de son sang. John est mort, il n'y a plus rien à faire. Il avait 40 ans, il est exactement 23h15, New York Time. 

Les haut-parleurs de l'hôpital jouent All My Loving des Beatles. La rumeur enfle, Yoko annonce que son John n'est plus. ABC interrompt en direct un match de football américain pour confirmer l'information. Le monde est en deuil et dans l'incompréhension. Mais pourquoi ? Pourquoi Chapman a-t-il tué Lennon ? 

Les thèses et les hypothèses fleurissent immédiatement. Le lendemain de l'assassinat, 9 décembre 1980, Chapman est extrait de sa cellule du commissariat de l'Upper East Side et interrogé par un juge. Il reconnaît les faits et précise qu'il a agi seul. Plus tard, lorsqu'il rencontre son avocat commis d'office, celui-ci se demande, est-ce un fou ou un tueur à gage ? Chapman est examiné par un psychiatre, dépêché de l'hôpital Bellevue. Pour celui-ci, l'assassin est très religieux. Il entendrait des messages de Dieu, mais n'est en aucun cas psychotique. En d'autres termes, il n'est pas fou. C'est d'ailleurs ce que le principal intéressé affirme. Cela étant, il varie dans ses explications. S'il a tué Lennon, c'est parce que ce dernier ne croyait ni en Dieu, ni dans les Beatles. Puis, il change de cap. Non en fait, en tuant Lennon, il a voulu promouvoir le livre dont il ne se sépare plus. L'attrape-cœur de J.D. Salinger. Il est, Mark David Chapman, l'attrape-cœur de sa génération. Et comme le héros du livre, il erre dans New York depuis trois jours. Il déteste ce temple du mensonge et de l'hypocrisie. 

À lire aussi

Le 8 juin 1981, six mois plus tard, Chapman refuse d'être déclaré fou. Il plaide coupable. Il a entendu la voix de Dieu. Son procès a lieu deux mois plus tard, au tribunal de Manhattan, et il sera expéditif. Chapman plaide coupable, et exceptionnellement, le procès a lieu à huis clos. Après quelques échanges sur le rôle de Dieu dans l'acte mortel de l'accusé, Le juge indique qu'il va demander la perpétuité, assorti d'une peine de sûreté de 20 ans. Chapman est effondré. 

Le 24 août 1981, il est condamné à la prison à vie, assorti d'une peine de sûreté de 20 ans. En prison, il est placé à l'isolement. Le silence et la rapidité du jugement ont empêché le grand public d'obtenir des explications. Alors quel est le mobile de cet assassinat ? L'hypothèse la plus largement admise est celle d'un désir de devenir quelqu'un. C'est ce que le juge lui reproche. "Votre acte vicieux et violent, monsieur, a été motivé par votre désir de célébrité." Cette analyse semble proche des faits. Car Chapman fustige le double discours de Lennon. Le chanteur prêchait l'amour et la simplicité, mais vivait dans l'opulence, non ? Entouré de yachts, de maisons aux Bermudes, de millions… Ce contraste est perçu comme une trahison, un mensonge. Le malaise psychique de l'homme, son sentiment d'injustice, expliquerait le passage à l'acte. 

Mais si ce n'était pas ça ? Des auteurs, des enquêteurs, voire de simples sceptiques ont évoqué l'hypothèse que Chapman n'était peut-être pas seul, que d'autres forces, d'autres motifs pouvaient être à l'œuvre. En effet, l'acte était extrêmement précis. Le tir dans le dos, les balles dum-dum, la distance, la rapidité. Le meurtrier ne pouvait être que préparé. Et si c'était, par exemple, les services secrets américains qui avaient commandité la fin du soldat Lennon et plus particulièrement le FBI ? Car J. Edgar Hoover, le patron du Federal Bureau Investigation, est obsédé par la contre-culture, et ce, dès son origine. À son arrivée aux États-Unis, Lennon figure sur la liste rouge. Il est la bête noire des Républicains et du président Nixon. Ce dernier, on le sait, a tout fait pour que Lennon n'obtienne pas la citoyenneté américaine. 

Loin du monde moderne, en papa assagi, Lennon ne gênait personne. Mais sur le devant de la scène, c'est une toute autre histoire. Car les Beatles, dit-on dans les soirées complotistes, étaient en passe de se reformer. Ils prévoyaient de faire des concerts en faveur de la paix, contre le nucléaire et la politique guerrière des États-Unis. Alors, l'administration aurait fait son travail, et plutôt bien. 

Mais les théories ne font pas revenir les hommes, et le cas de Chapman continue de hanter l'actualité. Car ce dernier est toujours derrière les barreaux. Et ce n'est pas faute de faire des demandes d'aménagement de sa peine. En 2000, au terme de la période de sûreté, il est entendu pour la première fois par la commission de révision des peines pénales. Il présente ses excuses à la famille, dit qu'il va bien, qu'il rêve de devenir musicien et de parcourir le monde. Yoko écrit au magistrat, elle ne veut pas de cet homme dans la nature qui représente une menace pour elle et pour son fils. La commission rejette la demande de Chapman. 
En 2022, à sa douzième tentative, on peut lire Mark Chapman dans le texte. "Je savais que c'était mal, mais je voulais tellement être célèbre que j'étais prêt à tout donner et à prendre une vie humaine. Je ne vais pas jeter la faute sur quelqu'un d'autre ou en vouloir à quelqu'un d'être ici. Et plus loin, ce mal était dans mon cœur. Je voulais être quelqu'un et rien n'allait arrêter ça." Pas vraiment rassurant, non ? 

À ce jour, Chapman a vu sa libération refusée 14 fois. La plus récente décision remonte au mois d'août 2025. Lui accorder la liberté représenterait "un grave trouble à l'ordre public", relève la commission. La prochaine audience aura lieu en 2027. Chapman a 70 ans. Et au fond, si les différentes commissions de révision des peines ne lui accordent pas la liberté, c'est que le crime est trop immense et que le crime dépasse le criminel.
 
John Lennon est parti ? Pas vraiment. Ses chansons, ses idées, son rêve n'ont pas disparu. Sa musique résonne dans les écouteurs, sur les vinyles, dans la mémoire de celles et ceux qui croient encore qu'un homme, une voix, un accord ou un désaccord peuvent changer quelque chose. L'apôtre de la paix a été tué par une arme à feu. Étrange paradoxe, telle est la loi du rock.

L'équipe de l'émission vous recommande
À écouter aussi