Dossier 01093 : Le groupe Justice contre Justin Bieber

Nous sommes en mars 2021. Gaspard Augé et Xavier de Rosnay sont constamment en vadrouille. Juchés sur leur scooter, ils sillonnent le nord de Paris. C'est ici qu'est né en 2003 le groupe Justice, son identité, sa marque de fabrique. Un son qui se situe entre Daft Punk et Metallica. Savant mélange de nostalgie et de nouveauté, qui a trouvé sa plus belle expression dans son disque éponyme, Justice, un succès mondial.

Mais en ce début 2021, les Justices sont sortis des radars des adulescents. C'est dommage, parce que depuis l'acte de décès des Daft Punk, la French Touch cherche son nouveau héros. C'est alors que l'actualité tape à la porte du duo. Gaspard et Xavier, ainsi que Pedro Winter, leur manager, constatent sur les réseaux sociaux que Justin Bieber s'apprête à sortir son huitième album, intitulé Justice, et dont la pochette reproduit à peu de choses près le logo de notre groupe préféré. Le disque est annoncé en grande pompe. Justin Bieber inonde le monde de communication, de produits dérivés, avec des croix de justice "à la Justice".

Dans un premier temps, Pedro Winter se moque de Bieber sur son Instagram qu'il désigne  "directeur artistique du groupe Justice". Mais les Justice ne veulent pas en rester là. Le 12 mars 2021, les avocats du groupe mettent en demeure Universal France, le label de Bieber, de cesser toute exploitation du logo Justice sur l'album, de supprimer toute reproduction du logo accessible au public français. Universal s'en moque. Quelques jours après l'apparition du disque, les avocats du groupe sollicitent d'être entendus par le juge des référés. Dans le langage des avocats, il s'agit du juge de l'urgence et de l'évidence.

15 avril 2021, 13h30, tribunal judiciaire de Paris. Les Justice demandent aux juges des référés qu'Universal cesse toute commercialisation du disque de Justin Bieber et de leur allouer 450 000 euros de dommages et intérêts. La parole est à la défense. Premier argument, Universal a fouillé les fonds de tiroirs et avance que le fameux logo n'appartient pas au Justice, mais à Somi, le directeur artistique du label Ed Banger. Preuve en est, Universal a exhumé des interviews du DA qui expliquent qu'il est à l'origine du pictogramme Justice. Les Justice trouvent cet argument léger. Ils font valoir une attestation de Somi qui dit le contraire de ce qu'Universal avance. Somi affirme que le dessin qu'il a fait n'est que l'exécution d'une idée des deux fondateurs du groupe. L'argument tombe à l'eau. Mais sur le fond, qu'en est-il ? Le public peut-il réellement confondre le travail de Bieber et de Justice ?

Non, pour les juges qui avancent que la croix de Bieber n'est pas utilisée de la même manière que sur les albums de Justice. Le graphisme est différent, l'un présente un caractère sinueux, l'autre s'inscrit dans un bloc linéaire. Aussi, y a-t-il concurrence déloyale et parasitisme ? Est-il démontré que Bieber se soit servi de la notoriété de Justice et de sa fameuse croix ? Le juge raisonne, un pictogramme noir sur fond noir n'est pas un attribut exclusif du groupe Justice ? Les conseils d'Universal et de Bieber enfoncent le clou. Metallica, Marilyn Manson ou Rammstein utilisent à foison la croix. Enfin, les statistiques plaident pour Bieber. Justice, 175 000 abonnés Instagram et 2 285 000 auditeurs par mois sur Spotify. Justin Bieber, 169 millions d'abonnés Instagram et 72 millions d'auditeurs par mois sur Spotify. 

Les Justices ont perdu. Justin Bieber a triomphé. Pas de pitié pour les petits Frenchies. God bless Canada. Seuls les chiffres parlent. Telle est la loi du rock.