L'attente est terminée. Douze ans après Think Tank (2003), Blur sort ce 27 avril son huitième album, The Magic Whip, dont plusieurs chansons ont été révélées en amont. Sur ce disque inégal, le groupe britannique se remet de deux décennies compliquées : problèmes d'addiction pour le guitariste Graham Coxon, qui lui ont valu d'être écarté à la fin des années 1990, et des tensions persistantes ayant provoqué une mise en pause du groupe après la sortie de Think Tank.
Près de dix ans plus tard, les membres de Blur trouvent à nouveau un terrain d'entente. Damon Albarn, Graham Coxon, Alex James et Dave Rowntree se rassemblent pour donner une série de concerts à travers le monde. C'est à cette occasion qu'en 2013, ils se retrouvent à enregistrer plusieurs morceaux à Hong-Kong, "par accident". "Je pensais que c'était la fin. On n'aurait pas pu refaire de concert sans un nouvel album", a concédé Damon Albarn lors d'une conférence de presse donnée par le groupe le 19 février.
Il a fallu deux ans de gestation supplémentaires pour que The Magic Whip voie finalement le jour. L'homme à l'oeuvre est Graham Coxon, qui retravaille les morceaux enregistrés en cinq jours à Hong-Kong. Ce travail le convainc de la potentialité d'un nouvel album. Le guitariste aborde le sujet avec Damon Albarn, d'abord peu convaincu par cette idée : "La politique peut être compliquée au sein de groupes qui se sont séparés puis retrouvés. Ou peut-être que ce n'est pas que mon avis. Mais j'ai pris un risque et j'ai dit à Damon 'J'aimerais prendre les rênes de ce disque et voir s'il y a quelque chose', cite Rolling Stone.
Je voulais faire amende honorable envers les fans et le groupe, par rapport à tous les problèmes que j'ai pu causer il y a plusieurs années.
Graham Coxon
Le guitariste, qui s'était lancé en solo après avoir été évincé du groupe, fait appel à Stephen Street, producteur légendaire de Blur. Pour lui, permettre la naissance de The Magic Whip a été une forme de rédemption : "Je voulais faire amende honorable envers les fans et le groupe, par rapport à tous les problèmes que j'ai pu causer il y a plusieurs années." De son côté, Albarn retourne à Hong-Kong et trouve "l'inspiration pour écrire suffisamment de paroles pour un album". La machine est relancée.
L'attente en valait-elle le coup ? Avec douze titres pour la plupart longs, Blur n'a pas ménagé ses efforts. D'autant qu'aucun morceau ne ressemble à l'autre. The Magic Whip offre un éventail représentatif de l'identité sonore parfois complexe du groupe londonien, formé en 1989.
Lonesome Street, qui ouvre le disque, semble contenir en à peine plus de quatre minutes les nombreuses influences et carrières musicales des membres de Blur. Rappelons que Damon Albarn multiplie les casquettes depuis quinze ans, passant de l'indie rock à l'électro ou l'opéra, sans sourciller. Brut, vif, accrocheur, Lonesome Street résume l'essence même de Blur : faire bouger les corps et laisser une trace.
Que dire de Go Out, cette petite claque savamment nonchalante, qui ne manquera pas de faire pogoter le public du Zénith de Paris, le 15 juin ? Le même sort devrait lui être réservé avec le titre I Broadcast, le plus court de l'album, qui fait fi des fioritures pour puiser dans l'origine Britpop de Blur, mouvement dont il a été le fer de lance avec Oasis dans les années 90. Les chorus de mauvais garçon rythmant Ong Ong ont tout pour soulever les foules. L'ombre des Beatles semble d'ailleurs planer sur ce morceau extatique, à l'acoustique joyeuse. On a la même impression à l'écoute de Ghost Ship, au riff vintage à souhait.
Ce retour aux sources est, bien sûr, en partie permis par Graham Coxon, qui n'avait pas composé pour Blur depuis seize ans. Le guitariste signe notamment l'excellente There Are Too Many Of Us, penchant par moments vers le rock psychédélique.
There Are Too Many Of Us et Ghost Ship, comme la plupart des titres de The Magic Whip, ont été inspirés par le séjour de la bande à Damon Albarn dans la mégalopole hong-kongaise. Certains, notamment les ballades, perdent le pari d'émouvoir. Ice Cream Man et Thought I Was A Spaceman sont assez ennuyeuses et longuettes, coupant le rythme enlevé de la première partie de l'album. Pyongyang perd l'auditeur dans des méandres électroniques sinueux et des effets de synthé kitschs, dont on ne voit pas le bout. Dommage, car Damon Albarn y raconte avec finesse sa visite de la capitale nord-coréenne.
De nulle part, Mirrorball clôt The Magic Whip sur un air lorgnant à la fois du côté des guitares rutilantes du Mid-West, et de quelques sonorités asiatiques semblant venir d'un film de Luc Besson. On se croirait dans un Western téléporté sur la Muraille de Chine. Drôle de mélange. My Terracotta Heart s'en sort bien mieux, rassurant sur la capacité de Blur à transporter sans sacrifier son panache.
The Magic Whip n'est pas parfait, mais ce disque a le mérite de montrer qu'un groupe culte tel que Blur peut se bonifier sans perdre son mordant.
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