Jusqu'à l'aube des années 2000, le mot "acné" n'était pas très prisé. Désormais, Rihanna, Alexa Chung, Vanessa Paradis ou Sofia Coppola en raffolent. En l'espace de deux décennies, un designer suédois a réussi l'improbable tour de force d'élever ces quatre lettres synonymes des facettes parmi les moins savoureuses de l'adolescence (en suédois, "acné" se dit "akne", ndlr) au rang d'étiquette "hypée", encensée par les jeunes urbains branchés et reconnue sur les podiums de prêt-à-porter de luxe du monde entier.
À l'origine de cette révolution conceptuelle, on retrouve Jonny Johansson, quadragénaire scandinave au background underground assumé, hérité des groupes garage punk de sa jeunesse. Avec trois amis rencontrés dans la musique et la publicité, il fonde en 1996 à Stockholm un collectif d'artistes indépendants répondant au nom d'Acne Studios, acronyme de Ambitions to Create Novel Expressions. Influencés par la légendaire Factory d'Andy Warhol, ils établissent leur atelier comme un laboratoire expérimental dans lequel ils explorent encore aujourd'hui la photographie, l'architecture, le design, la vidéo ou la la publicité.
Mais c'est bien la mode qui va imposer leurs initiales à la face du monde en 1997. Créateur autodidacte, Jonny Johansson dessine cent paires de jeans cinq poches qu'il distribue à une centaine d'happy fews stockholmois. Ces denims bruts à surpiqûres rouges, à la coupe droite et au style unisexe minimaliste posent rapidement Acne en ambassadeur d'une nouvelle esthétique scandinave épurée et fonctionnelle. Les magazines de mode les plus prestigieux sont charmés par ce vestiaire plus ancré dans le quotidien. Au croisement des basiques et des dernières tendances, les collections Acne dessinent un vestiaire androgyne et accessible, où les sweat-shirts molletonnés au chinage impeccable se mêlent aux jeans slim à succès et aux escarpins à plateforme boisée pour structurer une silhouette sophistiquée et décontractée.
Acne séduit les esthète et s'amourache de Paris. En 2008, elle ouvre sa première boutique hors Scandinavie sous les arcades du Palais Royal et signe une première série denim avec Lanvin. En 2010, la marque citadine investit les podiums au Kensington Palace de Londres et devient une maison de mode. Acne trouve alors sa vitesse de croisière, à cheval sur un calendrier à deux vitesses, partagé entre les collections expérimentales exhibées aux Fashion Week - la dernière met en scène les icônes de la musique à travers des vêtements aux effets scéniques prononcés - et un vestiaire quotidien plus accessible affiché en boutiques. La poussée atteint son acmé. L'enseigne ouvre plusieurs flagship stores en forme de galeries d'art aux mises en scène industrielles à Londres, New York, Los Angeles, Tokyo et Séoul.
Avec 400.000 paires de jeans vendues chaque année, 650 distributeurs dans une soixantaine de pays, 200 employés et 30 boutiques en propre à travers la planète, Acne déroule aujourd'hui un pedigree tentaculaire mais n'oublie pas pour autant son essence pluridisciplinaire. La marque conçoit des meubles et des bijoux, lance une ligne de maroquinerie, collabore avec des artistes prestigieux (comme le photographe Lord Snowdon) et édite depuis 2005 Acne Paper, un hybride semestriel grand format à mi-chemin entre le livre d'art et le magazine dont les séries modes et les contributeurs de renom (David Lynch, Tilda Swinton, Mario Testino) font vivre et exister Acne sans céder aux tentations contemporaines du marketing agressif.
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