Lou Doillon captive. Par son débit, d'abord, très rapide, parfois difficile à suivre mais structuré et presque chantant. Mais aussi par son look seventies fait de velours et de pattes d'éph', piqué à Bowie, Keith Richards ou Jimmy Page. Pour la chanteuse de 33 ans, une pensée en amène une autre et tout est prétexte à injecter de la poésie dans le quotidien. Quand certains perdent leur regard dans le flot des passants sans plus y réfléchir, elle y voit un petit échantillon d'une humanité présente sur Terre au même moment et qui aura disparu dans 100 ans. Ce n'est pas pour autant qu'elle est pessimiste, au contraire. Lou Doillon est au moins aussi rayonnante que les 11 titres formant Lay Low, son deuxième album aux accents folk et americana, sorti le 9 octobre. Elle en a interprété 3 morceaux en Session Très Très Privée pour RTL2.
"La musique, c’est divin, vu que le public peut se lâcher, se bourrer la gueule, se rouler des pelles, tout va plutôt bien, ça rigole, résume-t-elle à RTL2.fr avec entrain. Comme disait ma grand-mère : c’est pour les dieux, ça n’appartient à personne." Lou Doillon a pu établir ce beau constat lors de sa première tournée, organisée après la sortie de son premier disque, Places (2012). "Il y a des moments de rencontre entre ce qu’il se passe sur scène et ce qu’il se passe dans le public qui sont de l’ordre de la magie", estime la chanteuse, qui a vendu 200.000 exemplaires de ce premier album.
Lou Doillon a commencé à écrire de nouvelles chansons à la fin de cette tournée, pendant environ un an et demi. Elle a puisé "un best-of de ce qui lui plaisait le plus" parmi une trentaine de titres. C'est d'ailleurs à la scène qu'a pensé Lou Doillon en écrivant Lay Low, un nom aux nombreuses significations.
La musique me met à l’abri, elle me permet de mettre en retrait le personnage Lou Doillon
Lou Doillon
"'Lay low', je pourrais le dire toute la journée, explique Lou Doillon de sa voix douce et grave. Il y a quelque chose d’exotique, d’étranger, de rond, et j’adore ce qui est rond. Ensuite, ça m’amusait d’avoir un titre d’album qui pouvait dire de la mettre en sourdine - je trouvais ça assez rigolo - de se mettre au vert, au retrait, à l’abri. Toutes ces choses me plaisent parce que la musique me met à l’abri. Elle me permet de mettre en retrait le personnage Lou Doillon."
Sa méthode ? Écrire jusqu'à atteindre le trop-plein et tamiser. Quitte à en rajouter, pour dénuder plus tard. Les chansons de Lay Low ont donc connu de nombreux allers-retours entre ses mains à Paris, celles de Taylor Kirk à Montréal, et celles d'Étienne Daho à Londres. Ce dernier s'était déjà occupé de son premier disque. "J'ai une manière de travailler qui est très frustrante pour certains, admet volontiers la chanteuse, qui n'a laissé personne toucher à la chanson titre de ce deuxième album. Heureusement, j'ai une équipe divine autour de moi, avec des gens très compréhensifs".
Lou Doillon fait bien de le préciser car elle a pris en charge la réalisation de Lay Low. "C’était ma première expérience en tant que ‘cheffe' et c’est vrai que c’est compliqué, reconnaît-elle. J’ai appris ça sur le tard, sur les derniers mois où je finissais [l'album]. Avant, je disais mes angoisses à voix haute et je faisais flipper tout le monde. En tant que cheffe, il faut se la fermer un peu, parce que sinon tout le monde tremble. J’ai aussi appris à dire ce que je voulais, ça m’a pris un peu de temps."
Sa première décision a été de faire appel à Taylor Kirk, leader du groupe de folk-rock montréalais Timber Timbre, et ce, sans la bénédiction de sa maison de disque. "S'il ne voulait pas faire quelque chose, je devais me débrouiller", se souvient Lou Doillon, qui ne regrette pas du tout son choix.
Taylor Kirk (Timber Timbre) fait tout pour foutre la trouille
Lou Doillon
Elle relate un premier rendez-vous lunaire : "La première impression fout la trouille. Il fait tout pour, affirme Lou Doillon avec un sourire en coin. Ça ne sourit pas des masses, il a les cheveux peroxydés, la coupe la plus étrange du monde. Il m’attendait dans son pick-up noir avec trois mètres de neige à l’extérieur et un bruit dans le coffre en faisant semblant que c’était un macchabée." Elle ne s'est pas démontée pour autant : "Ça me plaît beaucoup les garçons qui font croire qu’ils sont extrêmement antipathiques. Je crois que ça l’a vexé et en même temps que ça lui a beaucoup plu, le fait que je n’aie pas peur."
L'extravagant Taylor Kirk, "pas plus sympathique que cela", l'a notamment forcée à lâcher prise : "Il m'a appris à m'amuser avec les sons. Si on avait pu, on aurait tout enregistré sur des bandes à l'ancienne. Il vient avec des instruments qu'on n'a jamais vus, comme des auto-harpes. Ça libère, estime-t-elle. Je venais de la France, où c'est un peu sacralisé, où on ne joue d'un instrument que si on le maîtrise parfaitement. Là-bas, c'est beaucoup plus enfantin et de l'ordre du laboratoire. C'était génial d'être confrontée à la musique, tout court."
Franco-britannique, c'est pourtant à Montréal que Lou Doillon s'est exilée pour enregistrer Lay Low. Une expérience qu'elle qualifie de "folle". "Je me sens très bien là-bas. C’est une culture bilingue donc je me sens à la maison parce que je peux passer de l’un à l’autre, explique la fille de Jane Birkin et Jacques Doillon. Et puis, ils ont une bienveillance qui est peut-être liée au fait qu’ils sont rejetés par les Américains et les Français."
Les Québécois ont quelque chose que je leur envie beaucoup : de l'horizon
Lou Doillon
À part le porc effiloché, le bacon macéré dans le sirop d'érable et la poutine, Lou Doillon aime le Québec pour ses grands espaces : "J’ai souvent eu l’impression d’avoir le cul entre deux chaises, donc ce côté no man’s land me plaît beaucoup. Et puis, ils ont quelque chose que je leur envie beaucoup : de l’horizon. Ils ont de la distance et ça s’entend musicalement."
L'auteure-compositrice cite plusieurs artistes québécois parmi ses influences : Leonard Cohen, Rufus Wainwright, Timber Timbre, Patrick Watson et Joni Mitchell. Cependant, Lou Doillon trouve qu'il y a toujours "un peu trop de soleil" dans la musique canadienne. "Je préfère quand c'est humide, verdoyant ou sous la neige. Il y a quelque chose de cinématographique dans leur son, estime-t-elle. Spécifiquement dans celui de Taylor Kirk, de Timber Timbre, il y a quelque chose qui me fait voyager, qui est de l'ordre de la nuit. Il y a ce paradoxe de quelque chose de très chaleureux dans ces grands espaces froids."
Lou Doillon reconnaît avoir baigné dans un "cocon d'hiver" pour Lay Low, qu'elle a fini d'écrire au printemps. Ce disque doux et enveloppant, entre folk-rock et americana, ne pouvait trouver meilleure saison que l'automne pour sa sortie. Ce n'est pas Lou Doillon qui dira le contraire. Elle raconte avoir imaginé Left Behind en joyeuse chanson d'été à la guitare mais Taylor Kirk n'a pas été du même avis. "Il m'a dit : 'Elle est tellement triste, on va la faire au piano', rit Lou Doillon. Il y en a certaines qui peuvent avoir une vie qui sort de l’automne/hiver mais c’est mon caractère de toute façon. Je ne sais pas si c’est parce que je suis née en septembre moi-même. Ce sont les mois où je me sens bien. J’aime bien la musique qui réchauffe."
J'ai besoin de sentir que je ne suis pas seule, et de dire aux gens qu'ils ne sont pas seuls
Lou Doillon
Pour Lou Doillon, une musique qui réchauffe est aussi celle qui lie les gens entre eux. Lorsqu'elle a décrit cette petite voix jalouse qui la suit partout dans la chanson Jealousy, extraite de Places, Étienne Daho avait tenté de l'en dissuader. "En tournée, chaque fois que je présentais Jealousy en disant : 'Je suis tellement jalouse que j'ai tout le temps une voix près de moi', j'avais 600 gonzesses qui disaient : 'Mais moi aussi je suis jalouse !' et quelques mecs aussi", raconte Lou Doillon.
"Je n'ai pas envie que les gens se sentent plombés en sortant de mes concerts, assure-t-elle. Je continue à faire des chansons qui peuvent de loin paraître chargées, mais c'est pour nous alléger, d'une manière. J'ai besoin de sentir que je ne suis pas seule, et de dire aux gens qu'ils ne sont pas seuls." Rendez-vous le 8 décembre au Casino de Paris, et partout ailleurs en France, pour se réchauffer au son de Lay Low.
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