C'est l'évènement de la semaine, la sortie d'Hackney Diamonds, le nouvel album des Rolling Stones. Un disque avec des invités incroyables : Paul McCartney, Stevie Wonder, Elton John, Lady Gaga. Mais aussi avec Bill Wyman l'ex bassiste des Rolling Stones qui était parti en 1993 et qui est revenu. Et puis deux morceaux avec feu Charlie Watts provenant de sessions qui avaient été enregistrés avant. Dans ces conditions les interviews avec les membres du groupe sont rares et la seule interview que Keith Richards a accordé en France, c'est bien sûr à RTL2 qui l'a accordée.
Alors je suis parti à Londres, j'avais quinze minutes pour bavarder avec lui. Je suis arrivé, j'ai attendu longtemps Et puis à un moment, je suis devant une porte sur laquelle il y a deux lettres K et R. Il sort une première fois. On me dit "Cinq minutes de pause". Je m'installe, deux fauteuils face à face, des caméras qui nous filment, deux pour lui, une pour moi. Et puis il revient. Il y a une dame qui lui glisse un petit mot à l'oreille, il s'approche de moi. Il me tend la main, il me dit "Hi Eric". Il a un chapeau, il a des lunettes rondes noires et et moi je dis que je suis très heureux de le voir pour la deuxième fois. Et là, il enlève ses lunettes qu'il enlèvera complètement par la suite et me dit "oui, bien sûr", faisant semblant de me reconnaître. Évidemment, il est plus poli que doté d'une très bonne mémoire, mais ça fait plaisir quand même.
Eric Jean-Jean : Bonjour Keith Richards. Alors évidemment, la question que tout le monde se pose à cause du COVID et de la mort de Charlie Watts. Cet album a été compliqué à faire. Ça paraît un peu étrange de parler de musique à ce moment là. Comment est ce que vous avez fabriqué l'album ?
Keith Richards : Au forceps. Mais non, ce n'est pas vrai. Mick et moi, enregistrons beaucoup. Mick a dit faisons un album pour le meilleur ou pour le pire. On verra bien. Façon "blitzkrieg". Vous savez, d'une certaine manière, nous l'avons fait et nous en avions besoin. Nous avions beaucoup de choses en stock. Vous savez, nous pouvons enregistrer beaucoup de choses. Mais non, nous n'avions aucun concept d'album en particulier, nous avons décidé. Faisons le, on commence là et on termine là. De toute façon, on n'a pas de pression. On a des problèmes de riches. Nous n'avons pas vraiment de délai pour faire un album. On s'est juste imposé une deadline et voilà notre résultat.
Eric Jean-Jean : Alors pour ce qui est de la production, vous avez travaillé avec un type incroyable qui s'appelle Andrew Watt.. C'est lui qui a produit le dernier album d'Ozzy Osborne et d'Iggy Pop. C'est un type absolument fantastique. Comment est-ce ce que vous vous l'avez rencontré?
Keith Richards : Oui, c'est fantastique de travailler avec lui. Il y avait beaucoup d'énergie et il était la personne idéale pour ce projet. il nous a donné l'organisation, et aussi l'énergie aussi, je suppose, à l'enregistrement. Cela nous a donné une sorte d'impulsion. Il nous a poussé à finir les choses. Sinon, nous, les Rolling Stones, on arrive en studio et on joue basiquement. Donc comme je l'ai dit, c'était en fait une expérience et je pense que cela a fonctionné. En tout cas, je trouve que ça s'entend. Donc en gros, ça a été : on commence là et on finit là. Et voyons si ça fonctionne. Et nous voilà.
Eric Jean-Jean : Il faut qu'on parle des guests sur cet album. Elton John sur Get Closed qui joue du piano, il y a Paul McCartney qui joue de la basse sur Bite my head off. Il y en a plein d'autres, Charlie Watts, qui joue sur deux des morceaux. Il y a aussi Bill Wyman qui revient et qui joue de la basse, Lady Gaga qui est absolument incroyable. C'est plus un album, c'est un "All Star Game".
Keith Richards : Ce n'était prévu comme ça à la base pour l'album. Les sessions avec Charlie et Bill ont été faites à Londres un ou deux ans avant que Charlie ne décède en 2021. On a récupéré deux pistes de ces sessions. Lady Gaga et Stevie Wonder ? Je crois qu'ils ont bossé avec Andrew récemment. Tout le monde était à L.A. en fait. Donc ils sont passés et ça s'est fait un petit peu comme ça. Et avant que tu ne te rendes compte de quoi que ce soit la chanson était en boîte. Pour moi, c'était hyper cool de retravailler avec Stevie. Et Lady Gaga est un vrai talent.
Eric Jean-Jean : Hackney Diamonds. C'est le nom de cet album. Hackney, c'est un quartier de Londres, mais ce n'est pas vraiment à Hackney que les Stones se sont formés si ma mémoire est bonne. C'est quoi le lien entre Hackney et les Rolling Stones ?
Keith Richards : Le lien, c'est Londres dans sa globalité. Le fait que ce soit d'un arrondissement de Londres ou d'un autre, cela ne fait pas vraiment de différence, sauf pour les habitants de Londres. Et puis on a choisi Hackney Diamonds parce que cela sonne. Nous étions donc en train de réfléchir aux idées de titre. Nos idées se sont réduites à un "hit and run" et "smash and grab" des trucs comme ça. C'est aussi un terme de Londres en argot pour parler d'un vol de bijoux Aussi les bagarres du samedi soir. Quoi qu'il arrive, un samedi soir, il y a souvent beaucoup de verre brisé. C'est ça aussi "Casser le verre"
Eric Jean-Jean : Est ce que vous pouvez m'en dire un peu plus sur la manière dont vous travaillez ? Parce que ça fait plus de 60 ans maintenant que vous travaillez avec votre frère d'armes, Mick Jagger. Il y a des secrets dans la manière dont vous travaillez ? Vous travaillez côte à côte, au même endroit ?
Keith Richards : En général, beaucoup de ces choses commencent séparément. Puis on assemble le tout et on fait un disque. Je suis allé en Jamaïque avec Mick au début de l'année dernière. Nous avons élaboré des pistes et des idées avec Steve Jordan. Puis nous sommes partis en tournée en Europe. Et à la fin, nous avons dit enregistrons maintenant. C'est important d'enregistrer. Quand un groupe vient de partir en tournée parce qu'il est chaud. Nous avons donc enregistré le plus tôt possible après la tournée. Pour essayer de capturer ce qu'est un groupe, son essence. Vous savez. Je veux dire parce que je me suis rendu compte à de nombreuses reprises que lorsqu'un groupe ne travaille pas devant un public depuis un certain temps. Et va en studio et joue tout parfaitement. Mais il manque une énergie sensuelle dans certaines choses. C'est en quelque sorte pourquoi j'ai accepté de le faire et j'espère que ça le fera.
Eric Jean-Jean : je suis obligé de vous poser la question. On a dû vous la poser des milliards de fois depuis que vous avez commencé dans les Rolling Stones. Mais comment? Comment ça se passe avec Mick Jagger?
Keith Richards : J'ai l'habitude de cette question. Je te rassure, c'est la 60e fois cette année. La plupart du temps, on bosse tellement bien, mais c'est la personne que j'ai la plus proche de moi. Je te dis ça, je suis enfant unique, donc j'imagine que ça doit être un peu comme un frère. Des fois, occasionnellement, on n'est pas d'accord. Les gens accordent de l'importance à ça, au fait que l'on puisse se chamailler sur certaines choses. Mais ils ne voient pas les vingt ou quinze dernières années, on ne s'est pas pris la tête. C'est aussi ça être frère en public. On pourrait se battre, mais on ne le fait pas non plus.
Eric Jean-Jean : D'ailleurs, La dernière fois que je vous ai vu à Paris. Vous avez l'air tellement proche.
Keith Richards : Oui, c'est mon frère. C'est ce que j'ai de plus proche. Bien sûr, je te l'ai dit, des fois, on se prend la tête, on est pas d'accord, mais c'est ça la relation fraternelle aussi.
Eric Jean-Jean : j'ai chez moi une grande et belle photo, offerte par un photographe que vous connaissez bien, Dominique Tarlé. C'est une photo qui a été prise à la villa Nellcôte, dans le sud de la France, à Villefranche, pendant l'enregistrement Exile on Main Street. Et sur cette photo il y a des potes à vous. Il y a Anita Pallenberg, et cetera Mais il y a surtout vous avec une guitare. Assis par terre, vous tenez cette guitare et j'ai cru comprendre que cette guitare avait appartenu à Muddy Waters. Vous vous rappelez de cette photo ?
Keith Richards : Tu sais, je ne pourrais pas le jurer honnêtement. Je ne me souviens pas d'avoir déjà eu une guitare de Muddy Waters, mais bon. J'ai quand même pas l'impression que cela soit une de mes guitares. Tu sais les histoires c'est les histoires
Eric Jean-Jean : En parlant d'histoires, vous avez dit un jour à Jimmy Fallon que vous vous rappeliez pas totalement de votre carrière et de votre vie. Est ce que est ce que vous pensez que si vous vous rappeliez de tout, vous auriez fait une moins belle carrière?
Keith Richards : Oui, sans aucun doute. Mais heureusement, si je me souvenais tout, je serait devenu complètement cinglé.
Eric Jean-Jean : Comment vous Vous sentez quand vous avez une guitare à la main?
Keith Richards : Il y a un truc naturel. Je pourrais dormir avec, je le fais d'ailleurs. La guitare, c'est mon instrument. Elle m'est un peu tombée par hasard dans les bras. Alors je m'efforce d'être gentil avec. Car je sais qu'elle peut me donner des choses extraordinaires.
Eric Jean-Jean : Et puis aussi parce qu'au fond, vous avez quelque part les mémoires dans votre main. Lorsque vous avez écrit avec le journaliste qui a posé des mots sur vous, pensez à votre biographie qui s'appelle Life. Il a raconté Je que pendant que vous parliez, vous jouiez de la guitare, en même temps. Est-ce que ça veut dire que votre mémoire, au fond, est dans vos mains ?
Keith Richards : C'est un point intéressant. Très clairement, il y a quand même une mémoire des muscles et de réflexes des doigts et ils communiquent et transcrivent ce qui vient dans mon cerveau. Mais vu que personne ne connaît mon cerveau, en tout cas, je fait encore confiance à mon âge, au moindre mouvement de mon corps.
Eric Jean-Jean : en parlant de faire confiance à vos membres, à votre mémoire. Vous avez inventé quasiment tout dans le rock 'n' roll et dans la musique. Ça va du scandale au meilleur riff de tous les temps. Et est ce que est ce que cette période de 2023 dans laquelle nous vivons une période un peu étrange vous plaît quand même ou est ce qu'au fond, vous êtes un peu nostalgique?
Keith Richards : Non. On me le demande souvent. Je n'en suis pas nostalgique. Je regarde devant. Je ne suis pas Nostradamus. Je peux te dire qu'on a quand même encore un peu de chemin à faire.
Eric Jean-Jean : Et je le souhaite. Qu'il soit très long ce chemin. En parlant de chemin, il y a encore peut être de la musique à faire. Comment vous faites quand vous, quand vous composez de la musique? Comment ça vient? Jimi Hendrix disait qu'il lâchait son cerveau pour laisser faire ses doigts? C'est comme ça aussi pour vous.
Keith Richards : Ce que je fais, c'est respirer, c'est tout. Mais si tu te contractes et que tu oublies de respirer, ça ne marche pas. J'ai plus l'impression d'être une antenne que de créer quoi que ce soit. Si tu mets tes doigts et ton esprit là haut sur le manche et que tu joues, des choses arrivent et c'est ce que tu en fais quand elles arrivent qui est important. Quelques notes arrivent, tu les reçois et tu te laisses guider. Je veux dire que pour moi, je le vis à chaque fois comme un miracle. Vraiment, crois moi.
Eric Jean-Jean : Les Stones ont toujours eu un rapport spécial avec la France. Vous allez bientôt venir jouer chez nous?
Keith Richards : Oui, j'ai hâte d'y retourner. J'ai hâte de reprendre la route. Pour ce qui est de la France, je ne me souviens plus trop des dates de toute façon, tant qu'on tiendra debout, on continuera.
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