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Moebius a-t-il inspiré "Star Wars" à George Lucas ?

RÉDAC CHEF INVITÉ - Quarante ans plus tard, l'imaginaire de "Star Wars" est resté culte. Les influences de la saga sont multiples. Celle de Moebius, le dessinateur français de BD et artiste culte, selon AaRON, est quasi incontestable.

"Le garage hermétique" de Moebius publié dans "Métal Hurlant"
Crédit : Les Humanoïdes associés

"Depuis qu'il m'a été donné de voir pour la première fois les illustrations de Moebius dans Métal Hurlant, j'ai toujours été impressionné et confondu par son sens aigu et inhabituel du graphisme et par la manière si personnelle par laquelle il aborde les mondes fantastiques. Mais ce qui me frappe le plus dans son œuvre c'est sa beauté à l'état pur - une beauté qui m'a toujours rempli d'un intense plaisir." Cette déclaration passionnée est signée George Lucas sur la préface de Tueur du Monde, une oeuvre de Moebius. C'est connu, le réalisateur de Star Wars est un lecteur averti de bandes dessinées européennes. L'imaginaire de la saga a connu le culte que l'on sait. Les influences sont multiples, diverses et anonymes mais une est quasi certaine, celle de Moebius. Le groupe Aaron, rédacteur en chef d'un jour de RTL2.fr, voit le dessinateur de BD comme l'un de ses artistes cultes. 

Dans les années 1970, avant de créer son chef d'œuvre, George Lucas a dévoré les œuvres de ces avant-gardistes français de la BD – Philippe Druillet, Jean-Claude Mezières, Jean Giraud alias Moebius, etc. – qui avaient sous leur crayon un univers de science-fiction encore jamais vu. George Lucas – cette préface le prouve – n'a jamais caché son admiration pour le pape de la bande-dessinée. Rien à voir avec un plagiat ou un pillage. La méthode du réalisateur reposait sur la documentation, comme le soulignait Jean Giraud lui-même dans une interview. "Illustrations, BD, images de tous les horizons etc., ils prennent des livres sur les costumes mongols du XVIIe siècle, des docs sur les samouraïs, des BD sorties la veille, des super-héros anciens et puis des créateurs originaux, ils mélangent tout ça et font marcher leur imagination."

Moebius a ouvert une porte dans l'imaginaire des autres

Dans ce brassage fantastique qu'est La Guerre des étoiles, impossible de le nier : on sent la patte du maître Gir. "Il n'y a pas la preuve formelle de cette inspiration, explique Vincent Brunner, journaliste aux Inrocks et Télérama, grand admirateur de Moebius. George Lucas avait une histoire déjà bien à lui. Ce qui est sûr, au moment où il a esquissé Star Wars, il avait le regard tourné vers ce qui se faisait en Europe et sur la BD de science-fiction avec Métal Hurlant. Il l'a sans doute avalé, recraché à sa manière. Mais on ne peut pas dire que sans Moebius, il n'y aurait pas eu Star Wars."

Plance de "Garage hermétique" par Moebius
Crédit : Les Humanoïdes associés

Une autre certitude est que Métal Hurlant, la revue de bande dessinée publiée par un collectif d'artistes à partir de 1975, a plus généralement inspiré l’esthétique de nombreux films. En 1977, Moebius avait d'ailleurs participé à la conception des costumes du film de Ridley Scott. Dix ans plus tard, il a travaillé au côté de Besson sur Le Cinquième Élément. Métal Hurlant était rempli d'idées futuristes totalement inédites qui ont ensuite été récupérées par Hollywood. "Toute cette génération de réalisateurs américains a regardé les planches de Moebius avec envie. Il a ouvert une porte dans l'imaginaire des autres", explique Vincent Brunner.

"Dune", le projet mythique de Moebius et Jodorowski

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Une seule de ses collaborations avec le 7e art, la plus mythique sans doute, n'a jamais vu le jour. Dune est un projet fou, légendaire, du réalisateur chilien Alejandro Jodorowski qui souhaitait adapter au cinéma le roman de science-fiction de Frank Herbert. Deux maîtres de l'image, H. R. Giger, Chris Foss, et l'expert en effets spéciaux Dan O'Bannon faisaient partie de l'équipe. Les dessins des storyboards étaient signés Moebius. On annonçait le plus grand film de science-fiction de tous les temps. Le casting était incroyable : Pink Floyd (pour la musique), Salavator Dali (qui réclamait, selon la légende, 100.000 dollars par heure), Mick Jagger, Orson Welles... Le film ne s'est jamais concrétisé, faute de financement. Le très frileux Hollywood n'a pas souhaité se frotter à la démesure de Jodorowski.

Même avorté, ce long-métrage a permis de créer une imagerie inédite que l'on retrouve dans tout le cinéma de science-fiction des années 70.
  Le quatuor de génie - H. R. Giger, Chris Foss, Dan O'Bannon, Moebius –, ce petit réseau de l'imaginaire, s'est ensuite éparpillé dans d'autres studios américains, affectés à d'autres projets, comme Alien, qui portent la marque de Dune.

Il se murmure que les storyboards de Dune par Moebius ont traîné dans les studios au moment où George Lucas entamait sa guerre des étoiles. "Je crois que la légende voudrait que les combats de sabre laser, George Lucas l'ait peut-être pris dans le projet Dune, explique Vincent Brunner. Dune passé par les mains de Lucas, on est plus dans la légende que dans la vérité sourcée. Mais s'ils avaient sorti le film, ils auraient été ultra en avance. Cela aurait été un choc esthétique incroyable et peut-être que la sortie de Star Wars nous aurait paru moins novatrice."

Un auteur de bande dessinée qui fait son cinéma

Il est difficile de pointer un détail précis du dessin de Moebius que l'on retrouverait chez Lucas. On ressent davantage une atmosphère similaire, telle que le montrent les paysages lunaires et désertiques que Giraud a eu en tête après un séjour de 9 mois au Mexique alors qu'il était étudiant en art. On sent que Moebius a pu inspirer au réalisateur cette diversité de personnages, de formes, ces costumes très colorés que l'on retrouve dans Star Wars.

"Arzach" de Moebius publié en 1975 dans "Métal Hurlant"
Crédit : Les Humanoïdes associés

"La connexion Metal Hurlant et le nouvel Hollywood a vraiment existé, insiste Vincent Brunner. Dans L'Arzach (aventure de Moebius publié dans Métal Hurlant à partir de 1975), on le voit car on est dans des décors lunaires un peu spatiaux. Il y a une ambiance cosmique qui a frappé la rétine de Lucas. Cela fait partie de tout le bouquet d'influences" dont Bilal, Mezières, Druillet, tous ces pontes de la BD, faisaient également partie. Certains ont davantage souligné la grande similitude entre Star Wars et Valérian et Laureline, de Jean-Claude Mezières, dont la première planche a été publiée dans la revue Pilote en 1967. 

"Valerian et Laureline" de Jean-Claude Mezières
Crédit : Éditions Dargaud

Mais Moebius est resté le chef de file des sources d'inspirations hollywoodiennes. Il était à cette époque au sommet de son art. Chaque vignette, chaque dessin est comme un plan de caméra. Ses cadrages sont très spécifiques, très cinématographiques. "C'est ce qui a plu aux cinéastes, c'est cet auteur bande-dessinée qui faisait son cinéma de papier, analyse Vincent Brunner. Il n'avait pas de limite d'argent et il pouvait tout imaginer."

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