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Skip The Use : "Le rock doit amener la discussion", estime Mat Bastard

RÉDAC CHEF INVITÉ - Le chanteur de Skip The Use revient sur sa conception d'un rock militant.

Le chanteur de Skip The Use, Mat Bastard
Crédit : FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

On le connaît surtout comme bête de scène au sein de Skip The Use. Cette formation lilloise, entre ska et rock dansant, remplit les salles en France et à l'étranger avec ses trois albums énergiques. Mat Bastard écrit les textes du groupe, avant de les défendre en live. Grand et mince, Van's noires aux pieds, pantalon et chemise en jean retroussée aux coudes, dévoilant ses tatouages aux avant-bras, il parle avec animation. 

Bastard l'Américain

Pendant notre rencontre, il préfère pourtant mettre de côté sa casquette de leader d'un groupe parcourant le monde avec ses tubes Ghosts, Nameless World et The Story Of Gods And Men. Mais pas sa grande gueule. Il aime se présenter comme un "simple technicien" se mettant au service d'autres artistes. Dans l'intimité des studios californiens, il peaufine actuellement le travail de divers noms, dont il préfère ne pas révéler l'identité. En vrai professionnel. "C’est toujours très compliqué de parler des albums avant qu’ils sortent", explique-t-il. "De toute façon, vous ne les connaissez sûrement pas", balaie-t-il pour clore le sujet. Il ne peut affirmer qu'une seule chose : il s'occupe de gens aux univers musicaux variés. "Je suis américain dans ma façon de travailler. Chaque projet a un intérêt", dit celui qui s'est installé à Los Angeles avec femme et enfants. 

Tout comme son mentor Dave Grohl, mécène musical respecté aux États-Unis et leader de Foo Fighters, Mat Bastard refuse de se cantonner à un genre : "Il fait partie des artistes qui m'ont donné envie, à travers Skip The Use, de ne pas avoir peur de mélanger les genres, de respecter toutes les influences, de ne pas s'enfermer dans quelque chose de singulier. Mais plutôt, d'être multiple." En France, il s'est notamment occupé du premier album de Sophie-Tith, et a écrit un titre pour le dernier album de Hubert-Félix Thiéfaine : Médiocratie.

C'est même "aussi" à cause de Grohl qu'il a décidé de faire ses valises pour Los Angeles. Mat Bastard en aime le mode de vie : "Quinze heures de travail par jour, mais tu travailles en short et tu peux aller à la plage le soir", résume-t-il en souriant. Il n'a qu'un regret : les petits-déjeuners américains, qui ne sont pas à son goût. Il est devenu fidèle à une boulangerie tenue par deux Français, qui travaillaient auparavant à la Société Générale, à Paris. "Ils ont tout quitté après avoir passé leur lune de miel en Californie", explique le chanteur.

Le choc du 11 janvier 2015

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Malgré l'éloignement géographique, Mat Bastard garde régulièrement le contact avec la France, notamment à travers les membres de Skip The Use, et sa famille. Le dernier événement l'ayant marqué est l'attaque contre Charlie Hebdo : "J’étais aux États-Unis quand a eu lieu l'attentat. C'était pas évident de ne pas être en France", explique-t-il doucement, "Puis je suis rentré, entre-temps, et j’ai vu cette manifestation. J’y ai participé à Los Angeles avec les autres Français et plein d’Américains." 

Les différentes marches républicaines du 11 janvier l'ont bouleversé : "Ça fait vingt ans que je milite pour du punk, pour qu’il y ait une unité autour d’un concept. Quand tu es ado, on te dit que c’est une utopie d’ado et que ça va passer. En gros, on te dit que tu dois fermer ta gueule et rentrer dans le moule. Je ne l’ai jamais fermée. Pour la première fois de ma vie, j’avais la preuve devant mes yeux que c’était possible. Et ça fait bizarre, tu vois", conclue le chanteur en souriant.  

Un mois plus tard, Skip The Use sort un clip hommage à la mobilisation internationale, pour la chanson Être heureux, extraite de Little Armageddon (2014). Il s'agit d'images de la manifestation géante de Paris, qui a réuni plus de deux millions de personnes. "Ce qui se passe autour de ce titre, c’est aussi très fort. C’est important. Je ne pouvais pas faire autrement en tant que citoyen français, en tant que père, en tant que fils, en tant que Noir", explique avec conviction Mat Bastard, adopté par un couple français alors qu'il était bébé.

Être heureux est la première chanson en français du groupe, et l'une de ses plus apaisées. Si Mat Bastard concède qu'elle peut être "déstabilisante pour les fans de rock pur et dur", il estime que l'important est ailleurs : "On est au-delà d’une chanson, on est dans un état d’esprit, dans une façon de vivre."

'Être heureux' est un titre très punk.

Mat Bastard

Pour le chanteur, "Être heureux est un titre très punk". Il explique : "Le punk n’est pas une musique ni une coupe de cheveux. C’est un état d’esprit. C’est déjà très punk de faire Skip The Use, de venir faire du rock’n’roll et d’arriver tout seul avec sa guitare sèche faire sa chanson en français."

Insensible aux attaques racistes

L'entretien a lieu deux jours avant les élections départementales. Concerné par le climat politique et social français, Mat Bastard aborde de lui-même le sujet du Front National. Il bouillonne : "Je faisais du punk dans les années 90, donc j’ai vu les manifestations du Front National. Tu sais, celui dont Marine le Pen ne veut jamais parler. Moi je les ai connus, les dits 'skins'." D'une voix grave, avec un débit rapide, Mat Bastard raconte : "Dans les années 90, j’avais 14 ans. Des mecs de 25 ans, qui font 100 kilos et défoncent un gamin de 14 ans juste parce qu’il est noir, je l’ai connu. Je sais ce que c’est. Je n'ai pas oublié."

Plus loin, il détaille : "Je me suis fait défoncer la gueule, ma sœur et mes potes aussi, bien sûr. Tu sais, quand tu vas au lycée et qu’il y a une manifestation Front National en ville et que ta mère te dit : 'Je viens te chercher, je préfère', c’est qu’il y a un souci." Même en évoquant ce souvenir difficile, Mat Bastard ne laisse paraître aucune crainte : "Tu peux atteindre mon intégrité physique, me prendre ma thune, mais tu ne peux pas m’enlever mon enthousiasme." 

Tu peux atteindre mon intégrité physique, me prendre ma thune, mais tu ne peux pas m’enlever mon enthousiasme.

Mat Bastard

Revenant sur les critiques, notamment racistes, dont il fait l'objet sur certains forums, il rétorque : "C’est pas un problème, c’est du folklore. Les insultes raciales, les menaces, c’est pas grave. Ces gens sont profondément malheureux. Profondément. Moi je suis super heureux, tout va très bien. Enfin, tout ne va pas très bien mais je suis profondément heureux, j’ai la chance de pouvoir m’exprimer. Ces chances là, il faut les saisir."

Adepte d'un rock militant

L'artiste se garde pourtant de faire la leçon à quiconque : "Les mecs qui votent Front National sont les bienvenus à un concert de Skip The Use. Le vote, c'est la liberté. Maintenant, s'ils pensent que parce qu'ils ont payé leur place, je vais m'empêcher de dire mes idées, ils se trompent."

Est-ce dû à son passé d'infirmier ? Ou plutôt, à son enfance dans le Nord-Pas-de-Calais, région dont il vante "l'empathie" ? En tout cas, Mat Bastard défend avec force une volonté de dialogue et de remise en question : "Je suis toujours prêt à discuter. Je préfère me montrer du doigt, en me disant 'Merde, ce mec qui vote Marine Le Pen, à quel moment je l'ai laissé tomber pour qu'il vote Marine Le Pen ?' plutôt que dire 'C'est un connard.' On l'a tous laissé tomber ce mec. Il est tout seul. Quand la société a-t-elle baissé les bras ?", demande le chanteur en levant le menton. Pour lui, le rôle du rock est de provoquer cette discussion : "Le rock, c'est de dire : 'Regardez les gars, qu'est-ce que vous en pensez ?' Sinon on ne discute plus et on prend tous un 'gun' [ndlr : pistolet]."

Je préfère être militant, c'est ça qui m'intéresse

Mat Bastard

Il rejette également le cliché "sex, drugs and rockn'n'roll" : "Moi je préfère être militant, c’est ça qui m’intéresse. [...] Je vais tellement loin sur scène qu'on pourrait croire que je suis dans un autre état. C’est parce que physiquement, il m’arrive trop souvent de dépasser mes limites. Mais c’est pas grave, c’est comme ça que je vis ma musique. Je préfère me prendre un shoot d’adrénaline parce qu’il y a 50.000 personnes comme des 'oufs' plutôt que prendre une ligne de coke. Chacun ses choix."

Mat Bastard affirme ne pas vouloir s'engager d'avantage, pour "ne pas tomber dans la démagogie" et "rester neutre" : "C’est pas mon boulot, je fais des chansons. C’est pas à moi de trouver des solutions. Moi je mets les sujets sur la table, après les gens discutent." "Je suis du côté des gens", assène-t-il. Il sera pourtant l'un des représentants de la région lilloise, lors de l'Euro 2016, auprès des partenaires de l'événement et des médias. "J’ai été choisi pour faire ça par rapport à mes idées. [...] On sera à tous à Paris et aux matchs pour représenter les valeurs de l’UEFA [Union des associations européennes de football, ndlr]. Moi je trouve ça génial. Les valeurs qu’ils ont envie de communiquer correspondent à celles dont j’ai parlé."


Malgré ses inquiétudes et la gravité des sujets évoqués, Mat Bastard reste positif : "C’est joyeux qu’on puisse en parler. Tu sais quoi ? Le problème, c’est quand tu es dans une situation où il n’y a pas d’alternative. Mais là, on en a grave une ! Tu vois ? On a tous le choix de changer les choses. Donc tout va bien. On n’est pas au pied du mur."


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