Radiohead a enfin dévoilé son neuvième album A Moon Shaped Pool . Le groupe l'a mis à disposition dimanche soir, après une intense semaine de messages cryptés et de singles dévoilés par surprise. La date de sortie du disque a elle-même été annoncée avec seulement deux jours d'avance. Même si les fans du groupe savaient, par interviews interposées, que le groupe était depuis longtemps au travail sur la suite de King of Limbs , leur précédente livraison datée de 2011. Et contrairement à lui, la vue de la liste des chansons ne laisse pas un goût de trop peu. 52,38 minutes et 11 pistes, c'est plus que les 8 chansons et les 37 minutes de The King of Limbs . C'est bête, mais après 5 ans d'attente, on espère forcément un "vrai" disque. Et c'est ce à quoi A Moon Shaped Pool ressemble. L'album s'impose dès la première écoute comme un projet cohérent et étonnamment synthétique des précédentes expériences de Radiohead. Un regard en arrière. Alors certes, le groupe ne revient pas à ses racines électriques, peu à peu délaissées depuis OK Computer . A Moon Shaped Pool contient à peine une guitare électrique - un superbe solo à la fin d' Identikit . Mais pour une fois, le quintette d'Oxford semble jeter un regard sur ses précédents projets . Et laisse la place aux différentes influences de ses membres. Une direction bienvenue au moment où l'on peinait à distinguer la différence entre les projets solo du leader Thom Yorke et une chanson de Radiohead. Jonny Greenwood, l'âme du groupe, laisse ses talents de compositeur s'exprimer pleinement. L'oreille avertie reconnaîtra aussi, notamment sur Desert Island Disk , un jeu de guitare à la Phil Selway, le batteur du groupe aux deux albums dépouillés et magnifiques. Ce nouveau disque se prête bien au petit jeu des comparaisons avec les projets passés de Radiohead . Il y a dans A Moon Shaped Pool quelque chose d'une suite à King of Limbs , avec la belle ballade Daydreaming . Des réminiscences d'OK Computer sur Decks Dark , qui abandonne le temps d'une chanson les sons venus du brouillard pour un piano et une basse au son précis. Full Stop a le pedigree des expérimentations de la période Kid A et Amnesiac . Et Present Tense rappelle Hail To The Thief , le retour du groupe à un songwriting racé dénué d'expérimentations. Dans toute cette liste, c'est peut-être Burn The Witch qui se révèle être la plus surprenante. L'ouverture de l'album , avec ses cordes staccato et sa basse électronique, tranche avec le reste des chansons dans l'ensemble plus retenues. Placé sous le signe de l'errance. Ce regard en arrière s'illustre aussi par la propension qu'a le groupe de figer sur disque des chansons en gestation depuis longtemps - très longtemps, même. True Love Waits , la sublime fermeture de l'album, en est l'exemple le plus parlant . Le titre a été joué pour la première fois en 1995 et figé en version guitare-voix sur un disque live en 2001. L'économie des paroles sur le thème universel de l'amour parfait avait fait de True Love Waits une chanson très appréciée des fans. Sur A Moon Shaped Pool , la ballade de Thom Yorke se métamorphose en complainte déchirante . Ses paroles, perdues dans le brouillard, résonnent avec l'histoire personnelle du bonhomme, séparé de sa compagne Rachel Owen en août 2015. Positionnée en fermeture de l'album, la chanson lui donne un nouveau jour. A Moon Shaped Pool est placé sous le signe de l'errance, de la rupture. Un peu à l'image du clip de Daydreaming , où un Thom Yorke fatigué se promène, tantôt tout sourire tantôt en galère, dans de nombreux décors sans liens apparents . Sur le disque, il se fait plus déprimant que jamais, et c'est ce qui fait toute la beauté de ces 11 chansons qui transpirent d'émotion par tous leurs pores. Nombre de titres font échos à ce thème de l'amour perdu, comme dans Identikit où Yorke chante "les cœurs cassés font pleuvoir". Ou dans Daydreaming , qui contient un message codé. Si vous écoutez la chanson à l'envers , vous comprendrez que la voix d'outre-tombe, répétée à la fin de la chanson, chante : "half of my life", la moitié de ma vie. Difficile de ne pas y voir une allusion à son ex femme. Un procédé anecdotique, mais qui illustre ce talent de Radiohead à créer des chanson à tiroirs, dont la beauté se révèle à mesure des écoutes.