Matthieu Pigasse, banquier rock n'roll ?

Le rock et la finance semblent à première vue radicalement opposés, à l'image des Clash qui composent un hymne aux braqueurs de banques dans Bankrobber en 1980. À l'époque, Matthieu Pigasse a 12 ans. Et le fan des auteurs de London Calling qu'il était - et qu'il est toujours - ne se doutait certainement pas qu'un jour il parviendrait à faire le pont entre ces deux mondes. Désormais à la tête de la banque d'affaires Lazard, il vient d'être nommé président du festival des Eurockéennes de Belfort. Un grand écart ? Plutôt un choix cohérent selon l’intéressé. "J’en suis fier et heureux : heureux parce que le rock est une passion, et fier parce que je trouve ce festival très fort", a-t-il réagi auprès de l'Est Républicain.

Originaire des Hauts de Seine, Matthieu Pigasse a plutôt suivi la voie royale pour devenir un puissant homme d'affaires qu'un rockeur déchaîné. Après avoir fréquenté les bancs de Science-Po, il intègre la prestigieuse Ecole Nationale d'Administration (ENA). Diplômé en 1994, il devient haut-fonctionnaire et fait son entrée à la direction du Trésor avant d'être recruté à Bercy. Il y fait la rencontre de celui qui allait devenir son mentor, Dominique Strauss-Kahn. Cinq ans plus tard, après la défaite de Lionel Jospin dès premier tour de la présidentielle de 2002, il doit quitter la fonction publique. C'est alors Alain Minc qui le recommande à la banque Lazard, qui s'empresse de le recruter. Il y connaîtra une ascension fulgurante, jusqu'à en devenir le directeur France. Sa devise, il la tient directement de l'univers punk : "No fear, no limit". "Mon parcours l’illustre. Tout est possible. Il suffit de le vouloir", expliquait-il à Paris Match en 2012.

Un banquier fan de rock et politiquement engagé

Alors que sa carrière dans les affaires le porte vers les sommets, Matthieu Pigasse se distingue pour son engagement politique et son franc-parler de gauche. Pendant la campagne présidentielle de 2007, il conseille Ségolène Royal. Pour lui, être un "banquier de gauche" ne pose aucun problème. Ses liens avec la rue de Solférino sont très étroits. Alors en 2009, lorsqu'il formule une offre de rachat pour le magazine politico-culturel Les Inrockuptibles, ses détracteurs lui reprochent de s'offrir un organe de presse dans l'unique but de nourrir ses ambitions. 

Je suis un passionné de punk-rock

Matthieu Pigasse

La nomination d'Audrey Pulvar, alors en couple avec Arnaud Montebourg, à la tête des Inrocks suscite la polémique. Mais sur le plateau du Grand Journal de Canal +, la journaliste assure que son compagnon de l'époque - ils sont séparés depuis - ne connaissait pas le banquier au moment où elle a été engagée. De son côté, le nouveau patron du magazine répète à qui veut l'entendre qu'il est "un passionné de punk-rock". Et lui qui a joué de la guitare dans un groupe de rock alors qu'il n'était encore qu'un adolescent a grandi dans une famille qui compte de nombreux journalistes. Alors quoi de plus normal que de devenir un patron de presse. 

Daft Punk aux Eurockéennes en 2016 ?

À peine quelques mois après son acquisition des Inrocks, Matthieu Pigasse annonce qu'il va racheter Le Monde, en formant un trio d'actionnaires avec Pierre Bergé et Jérôme Niel. En plus du quotidien, le groupe possède des magazines comme Télérama, ou encore Courrier International. Et en 2014, Le Nouvel Obs vient s'ajouter à leur collection. Plus récemment, le patron de Lazard s'est offert - sans ses deux compères - Radio Nova. Un nom qui s'ajoute à la longue liste des médias dirigés par le banquier, qui s'intéresse désormais à la chaîne d'information LCI.

Juste après sa nomination à la tête des Eurockéennes, le nouveau président du festival a dévoilé les dates du prochain événement, du 1er au 3 juillet 2016. Et une invitation a déjà été lancée pour un groupe : les Daft Punk. "Je leur adresse un appel dès aujourd'hui. On a les moyens de leur parler, de les inviter." Et si le duo casqué nous resservait une surprise ?