À voir Deryck Whibley sur scène, rien ne laisse imaginer l'enfer qu'il a dû surmonter ces deux dernières années. Le 28 août, le chanteur de Sum 41 s'est produit pour la première fois à Rock en Seine, devant un parterre de festivaliers d'avance conquis, prêts à bondir au moindre riff pop-punk qui a pu rythmer leur adolescence. Plein d'énergie et de verve, alignant insultes et notes acérées, le Canadien de 37 ans ressemble à une rock star comme une autre, couverte de tatouages et les cheveux peroxydés. Et pourtant, la réalité est loin d'être aussi évidente.
"Je suis super content d’être sur scène. Parfois, j’ai encore des problèmes d’équilibre et de vertige, mais il n’y a que moi qui le remarque, assure Deryck Whibley à RTL2.fr. Ce n’est pas si grave, ou en tout cas, pas autant qu’avant." Une grosse demi-heure après la fin du concert, le chanteur nous accueille dans l'intimité d'une tente plongée dans la pénombre, niché dans le coin d'un canapé. Avec son petit gabarit et sa pâleur éternelle, Deryck Whibley dégage beaucoup plus de fragilité que sa personnalité scénique. Et pour cause.
En 2014, le chanteur est au plus mal. Ses excès de boisson ont considérablement endommagé son foie et ses nerfs, et il frôle la mort. Des photos déchirantes le montrent sur un lit d'hôpital dans un état presque végétatif. "Je n’arrivais pas à marcher, mes terminaisons nerveuses ne fonctionnaient plus au niveau des pieds, j’avais perdu l’usage des muscles de mes jambes, je ne pouvais pas tenir debout parce que la douleur était trop forte. Je suis resté alité pendant presque un an et demi, ce qui a foutu en l’air mes jambes", se souvient Deryck Whibley, qui parle très ouvertement de cette période difficile.
Je n’arrivais pas à rester debout plus de 5 à 10 minutes pendant près de 6 mois
Deryck Whibley
S'en suit une longue convalescence, couplée à une rééducation : "Une fois que j’ai pu tenir sur mes pieds, je n’arrivais pas à rester debout plus de 5 à 10 minutes pendant près de 6 mois. Le progrès était si lent que c’était compliqué de le remarquer."
À l'époque, en parler est très douloureux pour le chanteur : "Je n'en parlais avec personne d'autre que mon épouse et ma mère. C’était embarrassant et j’étais triste de m'être mis dans cet état. C’était difficile. C’est plus facile maintenant parce que ça fait partie du passé. Il y a une forme de résilience."
La star l'assure : sans la musique, il n'aurait pas tenu. Il s'est concentré sur l'écriture d'un nouvel album. 13 Voices sortira le 7 octobre. "Travailler tous les jours pour retrouver de la force a été très difficile. Si je n’avais pas eu une tournée à devoir assurer, si je n’avais pas eu un objectif, les choses ne se seraient sûrement pas améliorées, affirme-t-il à RTL2.fr. J’avais besoin d’un but." D'autant que les médecins n'avaient aucune certitude quant à l'amélioration de son état.
Mais rien n'était joué d'avance. L'écriture de 13 Voices a été laborieuse. Ne pouvant se déplacer et étant trop affaibli, le chanteur est contraint de rester chez lui, et aménage un studio autour de son bureau. Chacun compose dans son coin, et envoie ses idées aux autres. Ils se retrouvent de temps en temps à son domicile de Los Angeles pour jouer ensemble.
Deryck Whibley a dû apprendre à faire confiance à ses capacités d'écriture. "C’était un énorme défi d’écrire cet album. J’étais sobre, et tout ce que je faisais était tout nouveau pour moi, indique le chanteur de sa voix douce. J’ai commencé à boire et faire la fête quand j’avais 17 ans, et je ne me suis jamais vraiment arrêté jusqu’à mes 34 ans. Je ne savais plus comment avoir une discussion au téléphone sans avoir bu quelques verres avant."
Il écrit tous les jours, mais affirme n'en avoir "rien sorti de bon pendant 6 mois". "C’est pour cela que l’album s’appelle 13 Voices, parce que j’avais tellement de voix dans ma tête, tellement de questions comme ‘Qu’est-ce qu’il m’arrive ?’, indique Deryck Whibley. Des émotions que je n’avais jamais ressenties auparavant, et une peur d'une intensité inédite. ‘Est-ce que je deviens fou ? Est-ce que j’ai tellement bu que mon cerveau est à l’envers ?’"
Deryck Whibley peut être fier. En février, Sum 41 est reparti sur les routes, et les deux premiers single issus de 13 Voices - Fake My Own Death et Wars - ont été bien accueillis par le public. C'est d'ailleurs sur Fake My Own Death que les spectateurs de Rock en Seine ont lancé le premier moshpit du concert, dans une chaleur intense. "Je l'ai remarqué !, assure le leader. C’est génial de jouer des nouvelles chansons, pas effrayant du tout. On en jouera plus une fois que l’album sera sorti."
C'est d'ailleurs avec la scène en tête qu'il a écrit 13 Voices : "Je pense toujours au live quand j’écris de nouvelles chansons. J’ai mon propre studio chez moi, et j’improvise en étant branché à un ampli. Je joue aussi fort que si j’étais sur scène. Je ne cherche pas une ambiance calme et acoustique. Il faut que ça me remue, que ça me donne l’impression d’être sur scène."
Je me suis rendu compte à quel point j'avais besoin de la scène quand j'étais à l'hôpital
Deryck Whibley
La scène, Deryck Whibley pourrait en parler des heures. À Rock en Seine, il a montré un mélange détonnant de bienveillance et de rage. Il a fait monter plusieurs spectateurs pour qu'ils assistent au concert à quelques mètres de leurs idoles. "J'ai besoin de vous, est-ce que vous avez besoin de moi ? Je vous aime, est-ce que vous m'aimez ?", a-t-il même lâché entre 2 titres. Une déclaration d'amour qu'il assume totalement : "En étant à l’hôpital, quand on a l’impression d’avoir tout perdu, ça nous donne de la perspective sur ce que l’on veut vraiment. Pour moi, c’était être face au public sur scène. Je ne me suis rendu compte à quel point j’en avais besoin qu’à ce moment là. Je pouvais perdre beaucoup de choses, mais si j’avais perdu ça, je n’aurais plus eu de raison de vivre."
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